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Le « Ramayana », éternelle épopée

 

Thèmes: Culture

Les Echos, 16 septembre 2011

Une édition exceptionnelle de ce monument de la littérature sort aujourd'hui en France chez l'éditeur Diane de Selliers, illustrée de 660 chefs-d’œuvre de la miniature indienne. Retour sur une épopée deux fois millénaire.

Bénarès, début de matinée. La foule se presse dans le Sankat Mochan Temple, le Temple des singes, et se prosterne dans une invraisemblable cohue devant Hanuman, le dieu singe. Nous sommes à quelques centaines de mètres des bords du Gange où les fidèles viennent faire leurs ablutions dans cette ville sacrée de l'hindouisme. Mais la ferveur n'est pas moindre face à Hanuman, qui suscite une dévotion particulière pour une raison précise : le dévouement total que le singe porte à Rama, le héros du « Ramayana », l'un des textes phares de la civilisation hindoue.

Tout près de là, le Tulsi Manas Temple attire lui aussi les foules. Ce bâtiment édifié en 1964, c'est-à-dire hier par rapport à l'histoire immémoriale de Bénarès (ville connue aujourd'hui sous le nom de Varanasi), est consacré précisément à Rama. Sur les murs de marbre blanc est retranscrite en caractères noirs l'intégralité, paraît-il, des aventures du prince. Plus encore que la salle de prières principale, c'est l'annexe qui attire les fidèles : on y trouve une succession d'alcôves où, dans un décor de cartons peints et d'ampoules multicolores, des marionnettes électriques évoquent les scènes principales du « Ramayana » : quelque chose comme le croisement entre l'imagerie saint-sulpicienne et les vitrines de Noël des Galeries Lafayette.

Immense épopée 


L'histoire de Rama racontée en marionnettes électriques

Les touristes qui se pressent sur les rives du fleuve sacré de Bénarès auraient bien tort de négliger ces deux temples consacrés directement ou indirectement au « Ramayana » : car ils témoignent de la place qu'occupe toujours dans la vie des Indiens ordinaires cette immense épopée deux fois millénaire. Non pas, d'ailleurs, que la plupart des dévots du dieu singe aient lu les quarante-huit mille vers du « Ramayana ». Mais il ne se trouve pas un hindou qui n'en connaisse l'histoire, les grands personnages et les principales anecdotes : comment le prince Rama, avatar du dieu Vishnou, est envoyé par son père en exil dans la forêt en compagnie de son épouse Sita, comment le roi des démons Ravana enlève celle-ci, comment Rama, à la tête de l'armée des singes, avec son fidèle Hanuman, attaque Lanka (l'actuel Sri Lanka), royaume de Ravana, pour sauver Sita...

« C’est un livre qu’on peut lire de façon littéraire, intellectuelle, mais qu’on peut aussi vivre de façon sentimentale, en le portant dans son cœur. »
AMINA TAHA HUSSEIN-OKADA,
CONSERVATEUR EN CHEF AU MUSÉE GUIMET


Le « Ramayana » fait toujours partie intégrante de la culture quotidienne des hindous, tout comme le « Mahabharata », l'autre monument de la littérature indienne. « Le ''Ramayana'' n'est pas un texte figé, ce qui lui permet d'évoluer avec le temps, explique Vikram Balagopal, scénariste de cinéma et auteur d'une bande dessinée racontant le « Ramayana » du point de vue d'Hanuman. Il inspire de nos jours des films, des émissions de télévision pour adultes et pour enfants, de la musique... Le ''Ramayana'' fait partie de notre identité sans constituer un fardeau. »

Une édition sans précédent

Une grande singularité de ce livre, estime Devdutt Pattanaik, spécialiste de la mythologie indienne, « c'est qu'il s'agit d'un conte de fées qui est devenu un texte sacré ». Au-delà des péripéties du récit épique, le livre « pose des questions difficiles » sur les choix que l'on doit faire dans la vie, sur la fidélité, sur l'opposition entre la connaissance et la sagesse... Le « Ramayana » explique « ce que c'est qu'être un homme, comment être intègre », ajoute-t-il. Finalement, note Amina Taha Hussein-Okada, conservateur en chef au musée Guimet, « c'est un livre qu'on peut lire de façon littéraire, intellectuelle, mais qu'on peut aussi vivre de façon sentimentale, en le portant dans son cœur ». Le « Ramayana » demeure une source d'inspiration dans la vie des Indiens, souligne-t-elle : « Les femmes doivent tendre à être aussi vertueuses que Sita, les hommes à être aussi courageux que Rama... »

Illustration Editions Diane de Selliers

L'édition de cette épopée qui sort aujourd'hui en France est sans précédent. Spécialiste de la publication de grands textes littéraires illustrés d'œuvres d'art, l'éditrice Diane de Selliers a consacré une décennie au recensement des miniatures illustrant le « Ramayana ». Quelque 5.000 œuvres ont été retrouvées dans les collections publiques et privées de tous les continents. Six cents soixante, représentatives de toutes les écoles de la miniature indienne et bien souvent complètement inconnues, ont été retenues pour cette édition, permettant d'illustrer le texte page par page. Résultat : un ouvrage monumental, 1.480 pages réparties en 7 volumes, avec un appareil critique imposant, dont les commentaires de chaque miniature rédigés par Amina Taha Hussein-Okada.

Un million d'euros 


Une aventure éditoriale un peu folle : « Les recherches ont commencé il y a dix ans et sont menées activement depuis 2004, le projet emploie plusieurs personnes à plein temps depuis deux ou trois ans », explique Diane de Selliers, qui évalue le coût de la production à près de 1 million d'euros. L'éditrice rêve aujourd'hui d'une édition de son « Ramayana » en langue anglaise, destinée notamment au marché indien. Car si les Indiens d'aujourd'hui disposent d'adaptations de leur texte sacré en bande dessinée, ils n'ont pour la plupart aucune idée du trésor pictural que représentent ces miniatures, créées pour des « clients » royaux et rarement présentées depuis.

PATRICK DE JACQUELOT,
CORRESPONDANT À NEW DELHI

« Ramayana » de Valmiki illustré par les miniatures indiennes du XVIe au XIXe siècle. Edition en 7 volumes et 1 livret sous coffret illustré. Format 29 par 27 cm. 850 euros jusqu'au 31 janvier 2012, 940 euros ensuite.



Encadré

L'Institut Diane de Selliers

La réalisation de cette édition du « Ramayana » a exigé un gros travail de recherche durant des années. Afin de mener à bien cette tâche (et les recherches dédiées à ses autres publications), l'éditrice a créé l'Institut Diane de Selliers pour la recherche en histoire de l'art (www.institutdianedeselliers.org). Mis en place dans le cadre de la législation sur les fonds de dotation, le but de cet organisme est de faire connaître des œuvres « essentielles à la connaissance universelle de l'histoire de l'art ».

L'Institut s'appuie sur des donateurs. Les dons consentis donnent droit à une réduction d'impôt sur le revenu de 66% de la valeur du don pour les particuliers (dans la limite de 20% du revenu imposable) ou à une réduction de l'impôt sur les sociétés de 60 % du montant du don pour les entreprises (dans la limite de 0,5% du chiffre d'affaires). Les donateurs reçoivent en outre gratuitement des livres des Editions Diane de Selliers, à hauteur de 25% du montant de leurs dons.

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