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Comment les Français veulent convertir l'Inde au tramway

 

Les Echos, 11 septembre 2013

TRANSPORTS. Entreprises et pouvoirs publics français veulent promouvoir en Inde le concept du tramway moderne.

Patrick de Jacquelot
Correspondant à New Delhi

Alstom, Thales, Dassault Systèmes, Egis, Systra, RATP Dev, Transdev, Keolis... : tous les opérateurs français, ou presque, concernés par les technologies du tramway, étaient à Delhi, ce lundi. Ils étaient emmenés par deux poids lourds politiques, Paul Hermelin, PDG de Capgemini, mais ici représentant spécial du gouvernement français pour la relation économique avec l'Inde, et Roland Ries, maire de Strasbourg et apôtre du tramway. Il s'agissait de convaincre les autorités indiennes comme les représentants des municipalités et des Etats de la pertinence du concept français de tramway pour répondre à leurs besoins.

Le but de la démarche, explique aux « Echos » Paul Hermelin, c'est, dans un pays « obsédé par le métro », de montrer qu'il y a « autre chose : un mode de transport urbain plus léger et moins cher, le tramway », dans lequel la France est experte. Une démarche d'évangélisation dans laquelle tout est à faire. D'abord parce que les Indiens ignorent complètement le concept de tramway moderne. Le seul tramway existant en Inde est celui de Calcutta, inauguré en 1880 et complètement obsolète. Ensuite parce que l'Inde est soumise à une offensive en règle menée par des pays comme la Malaisie et le Japon, destinée à promouvoir leurs solutions de trains monorails sur ce même créneau du transport urbain à capacité moyenne.

Un système économique

Devant leur auditoire, les intervenants français se sont succédé pour mettre en évidence les vertus du tramway d'aujourd'hui, mode de transport en plein développement, en France, mais aussi au Brésil ou à Istanbul. Leur argument clef ? Le tramway est un système économique, dont le coût d'investissement est deux fois moins cher que celui d'un métro aérien ou d'un monorail, et cinq à sept fois moins cher qu'un métro souterrain. Si Paul Hermelin a reconnu dans sa présentation que ce mode de transport, « bien adapté aux besoins de l'Inde », est plus cher à l'investissement qu'un système de bus rapides sur voie dédiée, ses coûts de fonctionnement s'avèrent très inférieurs.

« Dans un pays obsédé par le métro, il s’agit de montrer qu’il y a autre chose :
un mode de transport urbain plus léger et moins cher, le tramway. »
PAUL HERMELIN
Représentant spécial du gouvernement français pour la relation économique avec l’Inde


Les Indiens ne connaissent pas le tramway, à l'exception de celui de Calcutta, inauguré en 1880 et complètement obsolète. - Photo Biswarup Ganguly

Il n'empêche, le tramway « à la française » n'est pas directement transposable en Inde. Certaines présentations insistant qui sur le confort et le silence des tramways, qui sur leur parfaite intégration dans le patrimoine urbain, ont pu, à cet égard, sembler quelque peu décalées pour les Indiens présents. Car la préoccupation ici est avant tout de transporter le plus grand nombre de gens le moins cher possible au milieu d'un chaos urbain généralisé. Selon B.I. Singal, directeur général de l'Institute of Urban Transport, l'encombrement des rues, le nombre impressionnant de piétons et leur indiscipline font que tout projet de tramway devrait envisager deux grosses modifications par rapport aux normes européennes : clôturer les voies et préférer les tramways sur voie aérienne à ceux circulant sur la chaussée. De quoi remettre en cause certains des avantages de ce mode de transport.

Les experts français soulignent que l'introduction d'un tramway rend nécessaire de « repenser la ville », un défi dans un pays où la planification urbaine est presque inexistante. Autant dire que les opérateurs ne s'attendent pas à une moisson de commandes à court terme. « Tout ça va prendre beaucoup de temps », confiait l'un d'eux.

Prochaine étape appelée de ses voeux par Kamal Nath, ministre du Développement urbain : le lancement d'un « projet pilote dans une ville de taille moyenne ». Deux agglomérations ont fait part de leur intérêt pour explorer cette voie, Shimla, à 400 kilomètres au nord de Delhi, et Raipur, à un millier de kilomètres au sud-est de la capitale indienne.

Transports publics : des besoins… sans limite

L'explosion de la population dans les villes et l'absence d'infrastructures fait de l'Inde un marché colossal pour les transports urbains.

Les besoins de l'Inde en matière de transports urbains sont sans limite ou à peu près : c'est le message transmis aux opérateurs français du secteur par le ministre du Développement urbain, Kamal Nath, lors d'une conférence qui s'est tenue lundi à Delhi (lire ci-dessus) sur le sujet. Un chiffre résume l'explosion de la demande : la population des villes indiennes est passée de 285 millions de personnes en 2001 à 400 millions aujourd'hui et sera de 600 millions dans dix ans !

« Notre déficit en infrastructures est énorme, et pose des défis sans précédent », a souligné Kamal Nath. Dans ce cadre, a insisté le ministre, « les systèmes de transport urbain sont critiques. Le gouvernement encourage tous les modes de transport », dont le métro, mais ce dernier « ne peut pas être installé dans toutes les villes ».

Tram ou métro

Le métro est, de fait, le mode de transport moderne qui se développe le plus vite actuellement en Inde. Delhi est en train de construire la troisième phase de son réseau, celui de Bangalore commence à fonctionner. Des projets sont en cours de construction à Calcutta, Chennai, Bombay, Jaipur, Gurgaon, dans la banlieue de Delhi, etc. Les groupes français sont d'ailleurs présents, depuis Alstom, qui fournira les rames du métro de Chennai, jusqu'à Transdev, qui gérera l'une des lignes de Bombay.

Reste que le métro n'est pas adapté aux villes de taille moyenne. Le 12 e Plan prévoit plutôt l'introduction de systèmes du type tramway dans toutes les agglomérations de plus de 1 million d'habitants. Une catégorie qui comprend 53 villes actuellement. « Toutes sont candidates » pour de tels projets, souligne une étude de l'Institute of Urban Transport. D'ici à dix ans, le nombre de ces villes potentiellement candidates sera porté à 70…

P. de J.

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