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Le rêve indien du cinéma français

 

Thèmes: Culture - France-Inde

Les Echos, 23 octobre 2013

CINEMA. L'industrie française du cinéma cherche à s'implanter sur ce marché colossal.
Elle est prête à passer par des voies détournées pour voir décoller sa part, de 0,02 %...

Patrick de Jacquelot
Envoyé spécial à Bombay

Avec 520.000 entrées en 2012 sur le marché indien, le cinéma français a enregistré une progression spectaculaire : en 2011, il n'y avait vendu que 837 billets… Mais la performance de l'an dernier doit être relativisée : la part de marché des films français s'est élevée à… 0,02 %. Etre ainsi quasiment exclue du premier marché mondial du cinéma (voir ci-dessous), la profession le vit mal. Pour tenter d'y remédier, elle est présente en force au Festival du film de Mumbai (Bombay) qui s'est ouvert le jeudi 17 octobre : projection d'une trentaine de films français, remise d'un prix pour l'ensemble de son œuvre à Costa-Gavras, etc. Reste que personne ne se fait d'illusion : séduire le public indien ne sera pas une mince affaire. Comme le dit Nathalie Baye, membre du jury du festival, «  le cinéma indien est tellement actif, puissant et populaire que la place pour le cinéma étranger est réduite »…

De fait, la France a beau être le deuxième exportateur mondial de films, elle n'est pas parvenue à se faire une place dans un pays où le cinéma national détient 90 % du marché. La profession veut pourtant y croire. «  Nous ne pouvons pas rester à l'écart d'un marché comme l'Inde », affirme Xavier Lardoux, directeur général adjoint d'UniFrance, l'organisme chargé de la promotion internationale des films français, qui relève plusieurs raisons d'espérer comme «  le changement de la société indienne ou le développement du marché de la télévision ». Convaincu des possibilités de croissance en Inde, UniFrance s'apprête à ouvrir un bureau à Bombay.

Remakes et coproductions

Nathalie Baye, membre du jury du 15ème Festival du Film de Bombay

L'accès des films français aux salles risque malgré tout de demeurer difficile. Deepak Sharma, responsable du réseau de multiplexes PVR qui va bientôt sortir le thriller français « Colt 45 », se dit prêt à faire «  de telles expériences, parce que si ça marche on peut gagner beaucoup d'argent ». Mais le distributeur indépendant Jiten Hemdev, PDG de Star Entertainment, qui achète régulièrement des films français, estime que l'avenir des films étrangers sera «  uniquement à la télévision ». Star s'apprête ainsi à sortir sur le petit écran « Un heureux événement », le film de Rémi Bezançon.

C'est peut-être en prenant des chemins de traverse que le cinéma français a les meilleures chances. Outre la télévision, le marché des « remakes » s'annonce prometteur. Le cinéma indien manque de bons scénaristes, et les producteurs sont intéressés par des scénarios qui ont fait leurs preuves à l'étranger. Un remake d'« Après vous » de Pierre Salvadori est sorti ici et, alors que la diffusion en Inde d'« Intouchables » a été un échec, un remake est en cours de négociation. Les remakes se vendent d'ailleurs nettement plus cher (80.000 à 120.000 euros) que les diffusions en salle (3.500 à 35.000 euros).

Autre entrée : la coproduction. « The lunchbox », très bien accueilli au dernier Festival de Cannes, est le fruit d'une collaboration franco-indienne, «  la première du genre », souligne Marc Baschet, responsable d'Asap Films, qui voit un bel avenir à de telles coopérations. Alors que cinéma occidental et indien sont souvent vus comme inconciliables, lui affirme : «  Je veux faire ici des films que l'on peut montrer partout ! »


Un géant du grand écran en pleine évolution

Le secteur se modernise à grands pas et commence à produire des films sortant des canons habituels de Bollywood.

Un prix pour l'ensemble de son oeuvre décerné à Costa-Gavras

Leader mondial en nombre de films produits (plus de mille par an) ou de billets vendus (autour de trois milliards), le cinéma indien se porte bien. L'année 2012 a été marquée par «  une croissance exceptionnelle avec un chiffre d'affaires en hausse de 17 % » à 1,3 milliard d'euros, selon une étude du consultant PwC. Le secteur, qui a fêté ses cent ans cette année, est entré dans une phase de modernisation accélérée. La numérisation progresse vite et les multiplexes prolifèrent. Même si, à cet égard, l'Inde demeure sous-équipée : on ne compte que 8 écrans pour 1 million d'habitants contre 117 écrans pour 1 million aux Etats-Unis, selon KPMG.

Nouveaux films « à contenu »

Les formidables machines à produire des films, que l'on trouve à Bombay (capitale du cinéma en hindi, dite « Bollywood ») mais aussi dans des capitales régionales comme Chennai ou Hyderabad, permettent à la production nationale de truster plus de 90 % du marché. Seul le cinéma américain trouve grâce aux yeux du public indien avec 8 à 9 % du marché, et encore uniquement avec les superproductions à effets spéciaux du style « Batman » ou « Men in Black » que les studios indiens ne savent pas faire.

90% DU MARCHÉ
La part de la production nationale dans les films projetés en Inde.


Dans ce contexte peu propice à la pénétration du cinéma français, une évolution est malgré tout encourageante : l'apparition de films dits « à contenu », très différents des productions de Bollywood. On n'y trouve ni superstars, ni gros budgets, ni danses, mais des histoires solides ancrées dans la société indienne. Traitant de sujets aussi variés que la corruption ou les excès des médias, ces films réalisés dans une optique grand public remportent depuis peu de vrais succès commerciaux : le thriller « Kahaani » a remboursé sept fois son coût au box-office.

C'est une évolution «  très significative, estime Deepak Sharma, directeur général de la distribution de PVR, le plus gros réseau de cinémas en Inde. C'est le développement des multiplexes qui permet désormais de montrer » ces petits films. Dans la mesure où ces derniers ressemblent plus au cinéma occidental, le public indien peut-il se trouver progressivement attiré vers les films européens ? Ces nouveaux films peuvent effectivement «  créer des habitudes, estime le professionnel, mais cela prendra beaucoup de temps ».

P. de J.

La France veut attirer les tournages indiens

« Venez tourner vos films en France ! » C'est l'appel lancé aux professionnels indiens du cinéma par François Richier, l'ambassadeur de France à Delhi, lors de l'ouverture du Festival de Bombay. L'enjeu est touristique : les classes moyennes indiennes voyagent de plus en plus et adorent visiter les pays exotiques qu'elles ont vus dans leurs Bollywood préférés. Le succès d'un film tourné en Espagne voici quelques années avait vu s'envoler le nombre de touristes indiens dans la péninsule. Mais les équipes de Bombay sont réticentes à tourner en France. Outre les problèmes de visas, elles se voient fréquemment offrir des conditions financières plus intéressantes par d'autres pays européens.

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