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Le « Coalgate » indien plonge le secteur du charbon dans le chaos


Thèmes: Economie - Business

Les Echos, 30 septembre 2014

La Cour suprême annule des licences de mines de charbon accordées depuis 1993.
Une décision qui va perturber les producteurs d'électricité, la sidérurgie et les banques.

Patrick de Jacquelot
— Correspondant à New Delhi

Le scandale du « Coalgate », comme on l'appelle ici, qui dure depuis des années, semble avoir trouvé enfin son épilogue. La Cour suprême vient d'annuler la quasi totalité des licences de mines de charbon attribuées par le gouvernement depuis 1993. Outre le paiement de lourdes amendes, les détenteurs de ces licences vont devoir rendre les mines aux pouvoirs publics d'ici au 31 mars prochain.

Ces décisions radicales font suite à des enquêtes approfondies sur la distribution depuis vingt ans par les pouvoirs publics de licences d'exploitation de mines, accordées à titre gracieux à des groupes privés ou publics. Alors que le mastodonte public Coal India, numéro un mondial du charbon, a l'exclusivité de la commercialisation de cette matière première, les groupes qui ont reçu des licences les ont obtenues pour leur propre consommation, qu'il s'agisse de produire de l'électricité, de l'acier ou de l'aluminium. Mais ces attributions ont été faites dans l'opacité la plus totale, sans aucun critère public. Dès lors, tous les soupçons de collusion ou de corruption ont pu courir, alimentés par la proximité entre certains patrons heureux bénéficiaires et les dirigeants politique de l'époque.

200 licences concernées

Des mines plutôt opaques... (Photo Bloomberg)

Conclusion de la Cour suprême : ces attributions sont « illégales et arbitraires » et doivent être annulées en bloc (à quatre exceptions près). Plus de 200 licences sont concernées, dont 42 opérationnelles ou sur le point de l'être. Dans six mois, Coal India en prendra le contrôle, en attendant qu'elles soient de nouveau cédées dans le cadre d'enchères publiques.

La production des mines concernées s'élève, selon l'organisation patronale CII, à 53 millions de tonnes, soit 10 % environ de la production indienne. Les premiers touchés sont les groupes qui ont construit des centrales électriques ou des unités sidérurgiques fonctionnant au charbon sur la base des mines qu'ils avaient obtenues. Ils ne pourront pas remplacer facilement leur source d'approvisionnement, étant donné que la production de Coal India est déjà largement insuffisante. Leur profitabilité « va chuter fortement », estime l'agence de notation Crisil, car ils devront « remplacer le charbon des mines captives par du charbon importé qui coûte environ quatre fois plus cher ». De quoi « aggraver la crise de l'énergie et impacter le déficit des comptes courants », redoute la CII.

Le secteur bancaire, en particulier les banques publiques très engagées dans ces projets, va être touché « en termes de dégradation de ses actifs, des perspectives de croissance de ses crédits et d'incertitudes réglementaires », affirme Citibank. Plus globalement, les milieux d'affaires redoutent l'impact sur « la confiance des investisseurs », comme le note la CII.

Si personne ne conteste le bien-fondé de l'annulation des licences, tant leurs modalités d'attribution sont indéfendables, le caractère aveugle des sanctions, décidées indépendamment de toute culpabilité avérée, inquiète. « Si une politique remontant à 1993 peut être déclarée illégale et toutes les décisions basées sur cette politique être annulées, alors les investisseurs vont se méfier de toute mesure destinée à leur faciliter la vie », écrit le quotidien « Business Standard ».


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