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Inde : un budget pour relancer l'investissement


Les Echos, 2 mars 2015

Le gouvernement de Narendra Modi vise « pour bientôt » une croissance à deux chiffres.
En attendant, l'Etat investira dans les infrastructures.

Patrick de Jacquelot
— Correspondant à New Delhi

Privilégier la croissance et l'investissement, fût-ce au prix d'un ralentissement de la baisse du déficit budgétaire : c'est le choix fait par le gouvernement de Narendra Modi pour le premier budget en année pleine qu'il a présenté samedi sur l'exercice fiscal 2015-2016, qui commencera le 1er avril. Un budget qui évite les réformes radicales que souhaitaient pourtant beaucoup d'économistes et d'industriels.

Mais alors qu'il avait promis jusqu'ici de respecter scrupuleusement le calendrier de réduction du déficit budgétaire (4,1 % du PIB pour l'année fiscale qui s'achève, 3,6 % pour celle qui va commencer et 3 % pour 2016-2017), le gouvernement, arrivé au pouvoir en mai dernier, repousse les échéances.

Si l'objectif des 4,1 % cette année a été respecté grâce à de sévères coupes budgétaires, l'Etat indien vise désormais 3,9 % en 2015-2016, la barre des 3 % ne devant être atteinte qu'en 2017-2018.

Arun Jaitley, le ministre des Finances, préfère stimuler la croissance d'une économie « prête à s'envoler », selon lui. Une stimulation qui pourrait sembler inutile à première vue : selon le ministre, l'économie indienne devrait croître de 8 % à 8,5 % durant l'année qui vient, après 7,4 % en 2014-2015, et pourrait « bientôt » s'afficher à deux chiffres.

Phase de rétablissement

Mais ces données doivent être prises avec prudence : elles résultent d'un changement récent de méthodologie dans le calcul du PIB qui l'a fait bondir d'environ 2 %.

Selon le conseiller économique du gouvernement, en dépit de ces chiffres de 8 % et plus, l'économie indienne n'est pas engagée dans une croissance du type de celle des tigres asiatiques de jadis, mais reste en phase de rétablissement.

L'économie est en fait confrontée à une stagnation préoccupante de l'investissement. Selon une étude de l'agence de notation Crisil, les grandes entreprises privées prévoient de diminuer leurs investissements pendant l'année fiscale à venir.

8 à 8,5%
LE TAUX DE CROISSANCE ATTENDU
pour l’année à venir par le ministre indien des Finances Arun Jaitley, qui estime par ailleurs que l’économie nationale est « prête à s’envoler ».


Le seul moyen de renverser la tendance est donc de s'appuyer sur le secteur public, et c'est ce que fait le gouvernement : son projet de budget prévoit d'augmenter de 10 milliards d'euros les fonds consacrés aux infrastructures, notamment les routes (avec l'achèvement promis de quelque 100.000 kilomètres de routes actuellement en construction), les chemins de fer et l'énergie.

Pour financer ces dépenses, le gouvernement bénéficie d'une manne : la chute des prix du pétrole, dont l'Inde est très grosse importatrice. La baisse du baril lui permet non seulement d'afficher une inflation passée d'une année sur l'autre de la zone des 10 % à celle des 5 %, mais aussi d'engranger de grosses économies sur les subventions que paie l'Etat pour les produits énergétiques. Un « coup de chance » qui permet au gouvernement de s'abstenir d'engager des réformes de fond du lourd dispositif de subventions (engrais, produits alimentaires, etc.) qui obère son budget et qui demeure à peu près inchangé dans la loi de finances 2015-2016.


Le gouvernement Modi multiplie les réformes par petites touches

A défaut de big bang, le budget indien prévoit de nombreuses réformes, du social à la fiscalité des entreprises.

Pas de réforme coup de poing, mais de nombreuses innovations plus ponctuelles : le budget présenté ce week-end confirme que le Premier ministre, Narendra Modi, adopte une démarche beaucoup plus prudente que ne l'attendaient ses admirateurs comme ses ennemis lors de son élection au printemps dernier.

Parmi les annonces les plus spectaculaires figure le principe de la création d'une Sécurité sociale universelle pour les Indiens, notamment les plus modestes. Au vu des quelques précisions apportées pour le moment, il s'agit essentiellement d'instituer des mécanismes d'assurances accident et décès subventionnées, pour de faibles montants, correspondant aux besoins des Indiens les plus pauvres.

Le GAAR repoussé

Pour les classes moyennes, les déductions fiscales pour les dépenses de santé ou de retraite vont être accrues. Un gros renforcement de la lutte contre l'argent noir, fléau de l'économie indienne, devrait aussi être engagé.

S'agissant des entreprises, le gouvernement indien promet une baisse de l'impôt sur les sociétés, dont le taux devrait passer en quatre ans de 30 % à 25 %. Une annonce que les investisseurs, notamment étrangers, apprécieront : le redouté projet de GAAR (General Anti-Avoidance Rule), dispositif de contrôle fiscal renforcé rétroactif sur de nombreuses années, est repoussé de deux ans. Un nouveau Code des faillites sera élaboré, ce qui devrait améliorer les performances désastreuses de l'Inde en matière de facilité à faire des affaires (le pays est classé 142e sur 189 par la Banque mondiale).

Diverses mesures concernent, par ailleurs, les marchés financiers, avec la fusion annoncée de la commission de contrôle des marchés à terme avec le Sebi, l'organe de surveillance des Bourses. Le gouvernement va également lancer une nouvelle offensive pour convaincre les Indiens de « monétiser » leurs placements en or métal sous forme de produits financiers.

Le ministre des Finances, Arun Jaitley, a réaffirmé son engagement à mener à bien une réforme cruciale de la fiscalité indirecte d'ici au 1er avril 2016, mais celle-ci dépend d'un processus complexe de ratification politique à l'issue incertaine.

Enfin, le programme de privatisations partielles, fortement revu à la baisse pour l'année fiscale qui s'achève, devrait être augmenté l'an prochain, le gouvernement prévoyant également de véritables privatisations (en cédant le contrôle) de certaines entreprises publiques, le tout pour environ 10 milliards d'euros dans l'année qui vient.

P. de J.

Peu de marge pour l'achat des Rafale

La ligne du budget d'acquisition de l'armée de l'air indienne ne comporte pas la bonne nouvelle espérée par Paris : elle demeure stable, à 4,5 milliards d'euros. L'essentiel de cette somme étant préempté par des versements pour des achats déjà signés, il n'y a pas, a priori, de marge pour le versement d'un premier acompte sur l'achat des Rafale en négociation depuis trois ans entre l'Inde et la France, acompte dont l'ordre de grandeur pourrait être de 2 milliards d'euros. Si une rallonge budgétaire reste possible, le signal n'est pas positif à l'approche de la venue en France fin avril de Narendra Modi.


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