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L'ASIE DESSINÉE

Deux bandes dessinées pour l'été


Thèmes: L'Asie en BD - Culture

Asialyst, 13 juillet 2016

Un récit fantastique dans l’Indochine des années 20, de la grande aventure classique dans l’Inde des maharadjas, voici deux bandes dessinées de divertissement à lire pendant les vacances.

Patrick de Jacquelot

L’histoire de Nuages et pluie* se déroule dans une Indochine française fantasmée, peu après la fin de la première guerre mondiale. Werner, le triste héros, est un soldat allemand qui ne s’est pas remis du conflit et de la responsabilité qu’il s’attribue dans la mort de son ami Georg. Il doit à ce dernier, estime-t-il, de mener la vie normale dont Georg rêvait, avoir une femme et des enfants, mais en attendant, il est à la dérive dans ce Vietnam qui ne veut pas de lui. Sans argent, rejeté comme « Boche » par les colons français, il se retrouve au gré d’un petit boulot envoyé dans un colossal complexe fortifié appartenant à de « riches chinois ». L’ensemble comprend d’immenses usines où travaillent de longues files de silhouettes squelettiques ressemblant plus à des prisonniers de camps de concentration qu’à des ouvriers.

Un inquiétant contremaître propose à Werner de le recruter, ce qu’il accepte immédiatement puisque personne d’autre ne veut de lui. Un temps, il croit être à sa place. « (Les maîtres chinois) et moi sommes des étrangers. Notre présence est indésirable. Moi parce que je fais partie des perdants. Eux parce qu’ils sont trop riches », explique-t-il au fantôme de Georg avec qui il a de fréquentes conversations.

Extrait de "Nuages et pluie", scénario Loo Hui Phang, dessin Philippe Dupuy. (Crédit DR)

Werner découvre que le complexe abrite également de somptueuses demeures et un parc raffiné où habitent les maîtres. Ces derniers demeurent perpétuellement invisibles, à l’exception d’une jeune fille qui en arrive vite à fasciner totalement l’ancien soldat. Werner préfère ignorer les rumeurs selon lesquelles celle-ci est atteinte d’une maladie incurable qui amène ses parents à la cacher de tous. Une passion physique se noue entre Werner et la jeune fille muette, dont on peut se demander si sa maladie ne tient pas d’une forme de vampirisme…

Subtil et captivant, ce conte imaginé par la scénariste française d’origine laotienne Loo Hui Phang est mis en images par le dessinateur Philippe Dupuy. Son trait tout en hachures est servi par la splendide mise en couleurs réalisée par Isabelle Merlet-Rouger : chaque décor à sa propre gamme, jaune et marron pour les usines, bleu et vert pour les jardins des maîtres, rouge pour les scènes de sexe entre Werner et la jeune fille. Un très bel album donc, au ton original.

"Nuages et pluie", couverture et page 9

Autant Nuages et pluie s’inscrit dans une veine « moderne » de la BD, destinée à un public adulte, autant Les trois perles de Sa-Skya** est un album de facture résolument classique. Pour une bonne raison : il s’agit de la reprise par des auteurs contemporains d’un héros qui fit les beaux jours du journal Tintin dans les années 40 et 50, le Corentin de Paul Cuvelier. La génèse de ce nouvel album est un peu particulière. Jean Van Hamme, célébrissime scénariste de XIII, Thorgal et Largo Wynch, entre autres, a écrit jadis deux scénarios pour Cuvelier. A ces deux aventures de Corentin parues en albums au début des années 70 s’est ajoutée une nouvelle intitulée Les trois perles de Sa-Skya. Et c’est ce récit qui a servi de base à la BD que vient de réaliser le dessinateur Christophe Simon.

Collaborateur des studios Jacques Martin (le père des héros Alix et Lefranc), Simon se glisse sans heurt dans la grande tradition de la BD d’aventure époque Tintin. Son héros, Corentin, vit (suite à ses aventures précédentes) dans le palais du Rajah de Sompur. Ce dernier voudrait lui donner sa fille en mariage mais le jeune breton n’est guère tenté. De quoi contrarier sérieusement le souverain. D’autant qu’au même moment, un mystérieux voleur s’empare des joyaux les plus précieux du Rajah, les trois perles du titre. Bien évidemment, Corentin est soupçonné et aura le plus grand mal à se disculper en éclaircissant le mystère (pas de panique, il y arrive à la fin de l’album).

Le scénario, il faut le dire, n’innove guère et l’on a connu Van Hamme plus inspiré. Le principal intérêt de la BD, en fait, tient au dessin de Christophe Simon. Celui-ci s’est appuyé sur un voyage de cinq semaines en Inde, évoqué dans un dossier à la fin de l’album. Qu’il s’agisse des décors naturels ou des costumes, l’Inde du XVIIIème siècle est merveilleusement reconstituée. La palme incombe aux dessins d’architecture, comme en témoigne la magnifique couverture et plusieurs somptueuses pleines pages au fil de l’album.

"Les trois perles de Sa-Skya", couverture et page 8

*Nuages et pluie, scénario Loo Hui Phang, dessin Philippe Dupuy. 144 pages. Editions Futuropolis. 21,50 euros.
**Les trois perles de Sa-Skya, scénario Jean Van Hamme, dessin Christophe Simon. 56 pages. Le Lombard. 14,99 euros.

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