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Diamants : comment la Bourse de Bombay veut damer le pion à Anvers et Tel-Aviv
Thèmes: Business |
Les Echos, 6 décembre 2011
L'activité indienne de négoce de diamants est en train de s'installer sur un nouveau site. L'objectif : rivaliser avec des places comme Anvers, Tel-Aviv et Dubaï. L'enjeu est de taille : les ventes de diamants et de bijoux représentent 16,7 % des exportations indiennes de marchandises.
« Notre objectif ? Devenir le numéro un mondial, bien sûr » : pour Anoop Mehta, président de la Bharat Diamond Bourse, c'est une évidence, son institution va permettre à l'Inde d'obtenir la place qui lui revient dans le négoce international de diamants. Après tout, renchérit-il, « nous sommes leaders dans la taille et le polissage des diamants, pourquoi ne le serions-nous pas dans les
transactions ? »
Depuis cinquante ans, le pays s'est imposé comme le numéro un mondial pour le travail des pierres. L'Inde taille et polit aujourd'hui environ 60 % des diamants du monde en valeur et 95 % en nombre de pièces. Mais la majeure partie du négoce est localisée dans des places comme Tel-Aviv, Dubaï et surtout Anvers.
Cela va changer, et vite, si l'on en croit les responsables de cette industrie à Bombay. L'arme de conquête du négoce international du diamant, c'est un immense bâtiment situé au nord de la capitale financière du pays, dans une zone nouvelle où les buildings d'affaires se succèdent, entourés de terrains vagues. La Bharat Diamond Bourse a été inaugurée en octobre 2010 et, un an plus tard, le complexe de 180.000 m2regroupant bureaux, banques, salles de coffres, douanes et autres services demeure étrangement vide. L'arrivée des occupants a pris du retard, dans la lignée de l'histoire de la BDB : le projet a été lancé voilà près de vingt ans et s'est englué dans des problèmes de procédures, de choix d'architectes, etc. Si bien que les bâtiments, sans avoir jamais été occupés, n'ont déjà plus l'air neuf...
Accélérer le déménagement
Rue des diamantaires dans le quartier d'Opera House |
Les professionnels, en fait, n'avaient nulle envie de venir dans cette zone anonyme et éloignée du centre. Ils sont actuellement regroupés autour d'Opera House, dans le vieux Bombay, un quartier à l'opposé de celui de la BDB : chaotique, vétuste, surpeuplé, mais vivant et immergé dans la ville.
Pourtant, cette fois, c'est sûr : le transfert a commencé et ira à son terme. « Environ 40 traders sont installés à la BDB aujourd'hui, mais ils représentent déjà 20 % du marché », affirme Anoop Mehta. Effectivement, renchérit Karl De Borger, directeur général de l'Antwerp Diamond Bank à Bombay, « les cinquante plus gros opérateurs ont pris l'engagement voilà quelques mois de s'installer à la Bharat Diamond Bourse entre fin 2011 et début 2012. D'ici au milieu de l'année prochaine, la majeure partie du business aura déménagé, y compris mon établissement. »
95%
L’Inde taille et polit aujourd’hui 95 % des diamants du monde en nombre de pièces.
Un incident tragique aura accéléré le mouvement : l'explosion d'une bombe le 13 juillet dernier dans l'une des petites rues bondées du quartier d'Opera House. Les attentats de ce jour-là ont fait 26 morts à Bombay. « Ce drame a contribué à accélérer le mouvement en mettant en évidence les problèmes de sécurité », note un professionnel.
La nouvelle Bharat Diamond Bourse |
Le déplacement des dizaines de milliers de personnes qui travaillent dans le négoce du diamant était de toute façon inévitable : les infrastructures d'Opera House ne pouvaient suivre le développement du marché. Regroupés bientôt derrière les clôtures haute sécurité de la BDB, les 20.000 à 25.000 professionnels attendus chaque jour à la Bourse auront sous la main tous les services pour développer leurs activités. Une « salle des échanges » permettra aux acheteurs venus du monde entier de se faire présenter les pierres qui les intéressent et de les acheter. Les opérations de paiement, passage en douane et expédition pourront être traitées dans la foulée.
Pour l'Inde, l'enjeu est gros. Le pays importe massivement des diamants bruts achetés notamment à Anvers pour en assurer la taille et le polissage, avant de les exporter vers les marchés finaux comme les Etats-Unis, Dubaï, Hong Kong ou encore Anvers. Durant l'année fiscale 2010-2011 (à fin mars), les ventes de diamants et de bijoux ont représenté pas moins de 16,7 % des exportations indiennes de marchandises. Les seules exportations de diamants taillés et polis se sont élevées à 28 milliards de dollars. Tout ce que le pays pourra récupérer en matière de négoce au détriment d'Anvers et autres Tel-Aviv aura donc un gros impact sur le commerce extérieur de l'Inde.
PATRICK DE JACQUELOT,
ENVOYE SPECIAL À BOMBAY
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