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Premier consommateur d'or au monde, l'Inde veut freiner ses achats
Les Echos, 31 janvier 2013
L'engouement des Indiens pour le métal jaune met en péril les comptes extérieurs du pays.
Patrick de Jacquelot
Correspondant à New Delhi
Freiner à tout prix les achats d'or à l'étranger : c'est le but recherché par le gouvernement indien, qui a pris la décision d'augmenter de moitié la taxe qui frappe les importations de métal précieux. Celle-ci passe de 4 à 6 %. Simultanément, diverses mesures sont adoptées pour faciliter le recyclage dans l'économie de l'or qui dort chez les particuliers. Le métal déposé par les épargnants auprès de banques dans le cadre de contrats de dépôt pourra être prêté aux professionnels, de façon à réduire d'autant les besoins d'importation.
Pour les pouvoirs publics, il y a urgence : la soif des Indiens pour le métal jaune contribue à la dérive des comptes courants du pays. Alors que leur déficit représentait 1,3 % du PIB pour l'année fiscale 2007-2008, il s'établissait à 5,4 % au troisième trimestre 2012, un niveau difficilement supportable.
Signe extérieur de richesse
L'or s'affiche volontiers, notamment lors des mariages |
La première cause du déséquilibre des comptes extérieurs tient aux achats de pétrole, sur lesquels les autorités n'ont guère de prise.
Mais la deuxième réside dans les importations d'or : selon le broker CLSA (groupe Crédit Agricole), les importations nettes d'or et d'argent sont passées de 4,6 milliards d'euros pendant l'année fiscale 2008 à 33,7 milliards en 2011-2012. Et la tendance ne fléchit pas. Comme le souligne le World Gold Council dans son rapport sur le troisième trimestre 2012, l'Inde a été sur cette période « le marché en plus forte croissance » de la planète. Le pays est de loin le premier acheteur du monde, avec 30 % des échanges.
La passion des Indiens pour l'or est de fait sans limite. CLSA estime que les ménages possèdent 1.000 milliards de dollars du métal précieux, soit 750 milliards d'euros ou 53 % du PIB indien. Placer ses économies en or demeure le réflexe des populations rurales, qui n'ont souvent aucun accès à une banque. Porter sur soi sous forme de bijoux les actifs financiers de la famille est donc une pratique courante dans les campagnes. La préférence pour le métal précieux ne disparaît pas dans les classes aisées, où l'or demeure un signe extérieur de richesse très apprécié, dans les mariages par exemple. Un autre phénomène contribue également à la popularité de l'or : les quantités énormes d'argent non déclaré, qu'il soit lié à la corruption ou simplement à l'économie informelle, où tout se traite en cash. Autant de sommes qui trouvent facilement à se placer dans le métal jaune.
Secouer un attachement aussi profondément enraciné ne va pas être facile. D'ores et déjà, certains experts pronostiquent que la hausse des taxes va surtout profiter à l'or de contrebande. Plus profondément, les Indiens « ne sont pas irrationnels en donnant la préférence à l'or », affirme CLSA, qui y voit la contrepartie de « leur faible niveau de confiance » dans les perspectives d'inflation et de stabilité macroéconomique. Le courtier souligne que les achats d'or en Inde se sont envolés à la suite de la crise financière de 2008. D'où le risque que les mesures prises par les pouvoirs publics « soignent les symptômes plutôt que les causes du problème »…
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