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Comment Bombay veut devenir la capitale mondiale du diamant
Thèmes: Business |
Les Echos, 4 décembre 2013
Reportage au coeur de la nouvelle et imposante Bharat Diamond Bourse. Un site symbole du glissement du marché vers l'Orient.
Patrick de Jacquelot
Correspondant à New Delhi
Il aura fallu environ trois ans mais c'est fait : les professionnels du diamant de Bombay ont désormais emménagé dans la nouvelle Bharat Diamond Bourse qui incarne les ambitions de la ville de devenir la capitale mondiale du diamant.
Située non loin de l'aéroport, dans la nouvelle zone d'affaires de Bandra Kurla, la Bharat Diamond Bourse ne passe pas inaperçue. Ses 2.500 bureaux occupent 180.000 mètres carrés dans un bâtiment tentaculaire sous haute protection. Là, les négociants sont entourés de tous les services, banques, transporteurs, douanes… Pas encore totalement remplie - certains bureaux étant en cours d'aménagement -, la Bourse déborde déjà : « Les surfaces ont été allouées voici des années, mais entre-temps les sociétés ont grandi, elles ne tiennent pas dans leurs locaux », explique Karl De Borger, directeur général de la branche indienne de l'Antwerp Diamond Bank, qui a choisi de s'installer dans un immeuble en dehors de la BDB.
L'ancien quartier du diamant d'« Opera House », dans le vieux Bombay, ne s'est pas vidé pour autant. Toujours par manque de place, nombre de firmes y ont laissé leurs back-offices dans leurs bureaux vétustes.
Une Bourse déjà saturée
Une technicienne des laboratoires HRD de Bombay scrute un diamant |
Que la nouvelle Bourse soit déjà saturée témoigne du dynamisme de la place diamantaire de Bombay. Globalement, l'ensemble du marché glisse vers l'Orient, tiré par la demande des classes moyennes indiennes et chinoises. Ces deux pays « sont clairement les locomotives de la croissance de la consommation », explique Ari Epstein, directeur général de l'organisation professionnelle des diamantaires Antwerp World Diamond Centre. Ce glissement s'effectue au détriment d'Anvers, jusqu'ici capitale du diamant. D'ores et déjà, Anvers a presque complètement perdu les activités de taille et de polissage des pierres. Désormais « onze pierres sur douze sont taillées en Inde », à Surat dans le Gujarat, affirme Karl De Borger. Ne reste plus à Anvers que la taille des plus beaux diamants, pour lesquels le coût de la main-d'oeuvre compte peu.
Même évolution dans le financement du négoce. « Anvers était la capitale de cette activité mais les choses ont changé très vite, explique Pierre De Bosscher, directeur général de l'Antwerp Diamond Bank, il y a désormais à Bombay 6,5 à 7 milliards de dollars d'encours de crédits sur le négoce du diamant contre 3,5 milliards à Anvers. » Si la ville flamande détient encore l'essentiel du négoce des pierres brutes, la Bharat Diamond Bourse ambitionne clairement de rafler cette activité, comme le proclame depuis longtemps son président Anoop Mehta. On pourrait voir apparaître des exportations directes d'Afrique vers Bombay, court-circuitant Anvers.
La capitale financière de l'Inde est donc bien placée pour voir son rôle se renforcer encore, en parallèle de la montée en puissance d'autres places asiatiques, à Dubaï et sans doute en Chine.
« Si vous ne pouvez pas les battre, alliez-vous à eux... »
Les firmes diamantaires d'Anvers n'ont pas d'autre choix que de s'implanter à Bombay pour éviter la marginalisation.
Les voeux de la princesse Astrid à HRD Antwerp |
La princesse Astrid de Belgique, le vice-Premier ministre fédéral Didier Reynders et le ministre président des Flandres Kris Peeters : c'est une belle brochette de personnalités qui a inauguré la semaine dernière les nouveaux locaux à Bombay de deux institutions diamantaires belges de premier plan, le HRD Antwerp Diamond Lab et l' Antwerp Diamond Bank. On ne saurait mieux souligner qu'un solide ancrage à Bombay est la clef de la survie pour Anvers.
Serge Couvreur, directeur général de HRD Antwerp, le dit crûment en citant un proverbe anglais : « If you can't beat them, join them » (« si vous ne pouvez pas les battre, alliez-vous à eux »). Dit autrement, il faut « essayer de trouver un partage des rôles » entre Anvers et la cité indienne, en décidant de « ce que l'on est prêt à donner » en matière de transfert de technologies, confie Didier Reynders, qui veut maintenir dans la cité flamande le négoce des diamants bruts, la certification et la taille des pierres très haut de gamme.
Il faut « essayer de trouver un partage des rôles » entre Anvers et la cité indienne.
Des transferts de technologies, c'est typiquement ce que fait HRD Antwerp dont les activités vont de la certification des diamants et de la joaillerie jusqu'à la vente d'appareils sophistiqués d'analyse des pierres. Dans le premier domaine, les consommateurs indiens sont de plus en plus désireux d'avoir des garanties quand ils achètent un bijou, explique Serge Couvreur. Et, dans le secteur des machines spécialisées, HRD va ouvrir en fin d'année une deuxième implantation indienne, à Surat, centre de la taille des diamants dans le pays. Le patron de HRD n'exclut pas que ses activités en Inde puissent un jour dépasser celles de sa maison mère…
Quant à l'Antwerp Diamond Bank, seule banque au monde spécialisée dans le négoce du diamant, au moment où elle inaugure ses nouveaux locaux de Bombay, elle ferme son bureau de New York : tout un symbole !
P. de J.
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