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POLITIQUE
Inde : Rahul Gandhi dénonce les "attaques
systématiques" contre la démocratie indienne
Thèmes: Politique |
Asialyst, 9 septembre 2023
L’opposant au gouvernement de Narendra Modi a
profité d’un passage à Paris pour s’en prendre aux
dérives autoritaires de ce dernier et affirmer sa foi
dans la nouvelle alliance des partis d’opposition.
Patrick de Jacquelot
En
ce week-end de septembre où dirigeants et journalistes
du monde entier convergeaient vers New Delhi pour la
réunion du G20 présidée par l’Inde, Rahul Gandhi, une
des figures de proue de l’opposition au Premier
ministre Narendra Modi, a choisi de se tenir
résolument à l’écart. Lors d’un passage éclair à Paris
vendredi 8 et samedi 9 septembre, entre des visites à
Bruxelles et aux Pays-Bas, il est intervenu devant les
étudiants de Sciences Po et a donné une conférence de
presse. L’occasion pour lui de s’étendre sur les
menaces qui pèsent sur la démocratie indienne.
Les institutions démocratiques de l’Inde sont l’objet
d’une « attaque systématique » de la
part de Narendra Modi, le Premier ministre, du BJP,
son parti politique au pouvoir, et du RSS,
l’organisation idéologique qui chapeaute toute la
mouvance hindouiste : c’est le message lancé par Rahul
Gandhi, l’héritier de la dynastie politique Gandhi,
fils, petit-fils et arrière petit-fils de Premiers
ministres. Âgé de 53 ans, Rahul Gandhi est
actuellement député au Parlement de New Delhi pour le
parti du Congrès – parti qu’il a brièvement présidé
lui-même en 2018 et 2019 en succédant à sa mère Sonia
Gandhi.
L'opposant
indien Rahul Gandhi, ancien président du parti
du Congrès, lors d'une conférence de presse à
Sciences Po, le 8 septembre à Paris (Copyright : Patrick de Jacquelot) |
Dans la vision du héros de
l’indépendance, le Mahatma Gandhi (famille distincte
de celle de Rahul), tout le monde doit être associé au
débat démocratique, y compris les groupes
numériquement peu importants, a rappelé l’homme
politique. Mais « Modi et le RSS veulent
imposer une nouvelle conception centralisée,
agressive, violente » en lançant « une
attaque systématique contre les institutions
démocratiques », a-t-il affirmé. Car un
fondement de l’action de la mouvance hindouiste, c’est
la volonté de préserver le système des castes :
« Le cœur de l’action du RSS et du BJP, c’est
essayer d’empêcher les basses castes et les
minorités de s’exprimer. » Dans un contexte
où les mesures dirigées contre la minorité musulmane
se multiplient, Rahul Gandhi a lancé : « J’ai
lu la Bhagavad-Gita [texte sacré de l’hindouisme,
NDLR] et de nombreux autres textes hindous. On n’y
trouve rien de ce que fait le BJP », rien
qui justifie l’oppression de ceux qui ne pensent pas
comme eux. Une déclaration qui a suscité de vifs
applaudissements dans une salle de conférence de
Sciences Po où de nombreux étudiants indiens étaient
présents.
« NOUS AVONS CRÉÉ L’ALLIANCE INDIA, ÇA NE LEUR A PAS PLU. DU COUP, ILS ONT DÉCIDÉ DE CHANGER LE NOM DU PAYS ! »
Tout a changé à partir de 2014, avec la première
victoire électorale de Narendra Modi. Auparavant, a
rappelé l’héritier de la dynastie, le combat politique
se déroulait dans un cadre démocratique classique avec
des institutions impartiales. Mais « en 2014,
a-t-il souligné, pour la première fois une
organisation a décidé de prendre le contrôle des
institutions. Maintenant, je dois me battre contre un
État indien contrôlé par le RSS. » En effet,
selon lui, le BJP et le RSS ont réussi une pénétration
très importante dans les structures institutionnelles
comme la Commission électorale. Dorénavant, « les
règles du jeu ne sont plus égales ».
La vie est donc devenue difficile pour l’opposition. Un
vrai problème auquel nous sommes confrontés, a-t-il
insisté, c’est « la domination complète des
médias et des réseaux sociaux » par le
gouvernement et ses amis. En outre, il y a selon Rahul
Gandhi une politique d’intimidation des membres de la
société civile. Prenant son exemple personnel, il a
souligné être l’objet de nombreuses poursuites
judiciaires et de coupures d’accès à ses réseaux
sociaux, entre autres. Et « on m’a condamné au
nombre exact de jours permettant de m’exclure du
Parlement », a-t-il rappelé. En mars dernier,
un tribunal a en effet condamné Rahul Gandhi à deux ans
de prison dans une affaire de diffamation, ce qui a
permis au Parlement dominé par le BJP de le déchoir dès
le lendemain de son siège de député. Une décision de la
Cour suprême a toutefois suspendu ce jugement en août
dernier, lui permettant de retrouver sa place au
Parlement.
En fait, selon Rahul Gandhi, cette initiative vise surtout à « détourner l’attention des vrais problèmes du pays ». Et ces problèmes sont nombreux, au premier rang desquels une extrême inégalité. « Quelques personnes sont milliardaires, a-t-il lancé, mais il n’y a pas assez d’emplois, on ne laisse aucune place pour les basses castes, les minorités. » Un sujet sur lequel il a insisté à plusieurs reprises, considérant que « l’injustice et la souffrance causées par le système des castes vont au-delà de tout ce que l’on peut voir dans le monde ». En fait, estime-t-il, « le modèle économique de Modi a échoué et il y a une terrible souffrance dans les campagnes ».
ABSENCE D’UN LEADER CHARISMATIQUE DE L’OPPOSITION
C’est ce qui donne à cet éminent représentant de l’opposition bon espoir pour les élections générales de 2024, lors desquelles Narendra Modi cherchera à obtenir un troisième mandat. Le rouleau compresseur du BJP et de ses alliés, combiné à la très forte popularité du Premier ministre, font penser à nombre d’analystes que leur victoire ne fait guère de doute. Une idée que réfute Rahul Gandhi. La coalition INDIA des 26 partis « rassemble plus de monde qu’eux. 60 % des Indiens votent pour les membres de la coalition, 40 % pour [le BJP]. L’idée qu’il y a une majorité hindoue pour eux est fausse », a-t-il déclaré, s’appuyant sur les victoires récentes engrangées par le Congrès et ses alliés dans diverses élections au niveau des États de la fédération indienne, notamment au Karnataka.
Charmeur, faisant preuve d’humour, nouant facilement le dialogue avec les étudiants, le rejeton de la famille Gandhi n’a pas eu de mal à convaincre un auditoire de Sciences Po qui lui était acquis d’avance, il est vrai. Alors qu’il a longtemps passé pour déconnecté des réalités du pays et pour être peu intéressé par le combat politique, le désormais plus si jeune député a incontestablement fait des progrès ces dernières années. La longue marche « Bharat Jodo Yatra » qui lui a fait parcourir plus de 4 000 km l’année dernière du sud au nord de l’Inde à la rencontre de la population, a conforté sa stature. La dimension un peu « lunaire » qui a souvent été reprochée à Rahul Gandhi n’a pas disparu pour autant. Interrogé sur cette expérience, il a expliqué à quelques journalistes qu’elle a changé son approche de la politique. « Il y avait tellement de monde que je ne pouvais pas avoir les conversations habituelles avec les gens. Mais j’ai pu entrer en contact directement avec eux [sur le plan émotionnel], j’ai développé des liens avec des millions de personnes. J’ai commencé à dire 'I love you' à des gens que je ne connaissais pas. Maintenant, des personnes viennent me voir pour me dire 'I love you'. » Une telle approche émotionnelle peut-elle se traduire en votes ? Réponse : « Ça m’est égal. »
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