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En Inde, coup d'envoi aux plus grandes élections de la planète

 

Thèmes: Politique - Economie

Les Echos, 11 mars 2014

Plus de 800 millions d'électeurs vont voter pour donner un nouveau gouvernement au pays.

Patrick de Jacquelot
— Correspondant à New Delhi

Les élections générales indiennes se dérouleront en avril et mai, suivant un processus complexe qui permettra de constituer le nouveau Parlement. Le gouvernement chargé de présider pendant les cinq années à venir aux destinées du deuxième pays le plus peuplé de la planète en sortira à son tour. Si le résultat est difficile à anticiper, l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle équipe semble très probable. La Commission électorale a annoncé la semaine dernière le calendrier des élections. Le scrutin comporte un seul tour (le candidat ayant obtenu le plus de voix dans sa circonscription est élu), mais les élections se dérouleront en neuf étapes échelonnées du 7 avril au 12 mai. L'extraordinaire complexité logistique des opérations impose en effet de découper le territoire indien en zones qui votent à des dates différentes.

Des alliances très complexes

Le Parlement: 543 sièges à pourvoir à la chambre basse

Les élections indiennes constituent un processus sans équivalent dans le monde. D'abord, à cause du nombre d'électeurs : 815 millions de personnes sont appelées à voter. Le « Times of India » a calculé que ce nombre est supérieur à celui cumulé (749 millions) des cinq plus grandes démocraties suivantes, les Etats-Unis, l'Indonésie, le Brésil, la Russie et le Bangladesh. Ensuite, à cause de l'immensité du territoire, qui comprend jungles, déserts et montagnes de l'Himalaya. Enfin, du fait des problèmes de sécurité dans certaines zones : terrorisme islamique au Cachemire, rébellion maoïste dans les Etats de l'Est. Tout cela suppose de déplacer de zone en zone toute une logistique (machines à voter, personnel spécialisé) et des forces de sécurité importantes. Au terme de ce marathon, les résultats seront publiés le 16 mai.

Ces résultats sont difficiles à prévoir. Les sondages d'opinion sont peu fiables : aucune enquête ne couvre la population dans toute sa variété, et le monde rural, qui regroupe les deux tiers des Indiens, est fortement sous-représenté. Il est clair, cependant, que le principal parti d'opposition, le BJP (nationaliste hindou), a le vent en poupe, tiré par un leader aussi charismatique que controversé, Narendra Modi (« Les Echos » du 27 février). La volonté de l'électorat de sanctionner l'actuel parti au pouvoir depuis dix ans, le Parti du Congrès, dirigé par Sonia Gandhi, ne fait guère de doute, tant ces dernières années ont été marquées par l'inaction, la corruption et le ralentissement de l'économie (lire ci-dessous). Mais cela ne garantit pas que le BJP aura une majorité nette au Parlement. Le morcellement de la vie politique indienne rend en effet à peu près impossible à un parti d'obtenir seul les 272 sièges qui donnent une majorité absolue à la Chambre basse. Le parti arrivé en tête est donc obligé de former des alliances avec les nombreux partis régionaux qui représentent certains des Etats de la fédération. Or le jeu des alliances, très complexe, est difficile à anticiper. L'espoir de certains des grands partis régionaux de former leur propre alliance, hors Congrès et BJP, pour offrir un troisième choix face à ces derniers, semble en tout cas avoir peu de chances de déboucher.

Dernière grande inconnue du scrutin : la place que prendra l'AAP, le tout nouveau parti anticorruption, qui, créé voici dix-huit mois, a séduit un très grand nombre d'électeurs à Delhi lors du scrutin local de décembre dernier.


Le ralentissement de l'économie indienne va peser sur l'issue du scrutin

Avec deux exercices budgétaires successifs sous les 5 %, l'Inde est loin de la croissance nécessaire pour assurer son développement.

Narendra Modi, leader du BJP, charismatique et controversé

Si les chances du Parti du Congrès de recevoir des électeurs un troisième mandat successif pour diriger le pays semblent faibles, c'est notamment à cause du ralentissement de la croissance économique, très marqué depuis trois ans. Les derniers chiffres qui viennent d'être publiés pour le quatrième trimestre 2013 (troisième trimestre de l'année fiscale 2013-2014 à fin mars) confirment cette tendance. Pendant les trois derniers mois de 2013, l'économie indienne n'a crû que de 4,7 % en rythme annuel, un chiffre particulièrement bas pour l'Inde. Après avoir enregistré des taux compris pour l'essentiel entre 8 % et 9,6 % de 2003-2004 à 2010-2011, la croissance est tombée à 6,7 % en 2011-2012 et à 4,5 % en 2012-2013.

Des éléments inquiétants

Pour l'exercice en cours, le souhait du gouvernement de revenir à une croissance de 5 % ne devrait pas être atteint. Les économistes tablent dans l'ensemble sur une performance un peu inférieure à ce seuil. Citibank mise par exemple sur 4,9 %.

Les détails de la croissance au dernier trimestre 2013 comportent plusieurs éléments inquiétants. L'agriculture, secteur essentiel dans un pays encore largement rural, a nettement ralenti d'un trimestre à l'autre, de 4,6 % à 3,6 %. Plus préoccupant encore, le secteur manufacturier a vu sa production reculer de 1,9 %, et cela alors même que ses exportations étaient tirées par la chute de la roupie enregistrée l'été dernier. L'industrie indienne est directement touchée par une consommation domestique atone, ainsi que par des investissements au point mort. Ce dernier problème, lié en particulier à la paralysie administrative, sera une des priorités du futur gouvernement quel qu'il soit.

Rahul Gandhi, du Congrès, peine à se faire entendre

Mais, dans l'immédiat, l'équipe en place ne peut pas faire grand-chose, au contraire : elle pourrait procéder dans les semaines à venir à de nouvelles annulations importantes de crédits d'investissement pour empêcher un dérapage du déficit budgétaire qui mettrait la roupie en danger. Annulations qui contribueraient à freiner un peu plus l'activité.

Autant dire que les perspectives à court-moyen terme ne sont pas enthousiasmantes. Si tout le monde envisage un redémarrage de la croissance, ce sera à un rythme très lent. Le broker CLSA prévoit 4,7 % pour l'année fiscale qui s'achève dans trois semaines, 5,2 % pour 2014-2015 et 5,8 % pour 2015-2016. Toujours très loin des 8 % à 9 % considérés comme indispensables au décollage du pays et plus encore de la barre mythique des 10 %, franchie des années durant par la Chine.

P. de J.

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