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L'ASIE DESSINÉE

BD : le Roi Singe, super-héros de bande dessinée


Thèmes: L'Asie en BD

Asialyst, 9 octobre 2020

Deux séries de BD mettent en scène les aventures fantastiques d’un des personnages les plus populaires de la littérature classique chinoise. Corée, Inde et Japon sont aussi présents dans les parutions de cet automne.

Patrick de Jacquelot

Sun Wukong, le Roi Singe, est l’un des grands héros de la littérature classique chinoise. Il apparaît dans le roman Voyage vers l’Ouest, l’un des « quatre livres extraordinaires » qui en sont les piliers. Et parmi les différents personnages de cet énorme roman, Sun Wukong est incontestablement le plus haut en couleurs et le plus fascinant.

La popularité qui ne se dément pas du Voyage vers l’Ouest et de son héros lui vaut d’être sans cesse l’objet de nouvelles reprises et interprétations, qu’il s’agisse de littérature, de cinéma ou de bandes dessinées. Dans ce dernier domaine, on peut rappeler la très belle version en style chinois classique publiée par les Éditions Fei : 36 fascicules noir et blanc regroupés dans un imposant coffret.

Extrait de "Les aventures du Roi Singe", tome 1 "Les Immortels", scénario Stéphane Melchior, dessin Vincent Sorel, Gallimard. (Copyright : Gallimard) 

Deux nouvelles versions en bandes dessinées de l’histoire du Roi Singe paraissent simultanément en France actuellement. La plus avancée (trois volumes parus sur quatre en tout) est Le Roi Singe*, réalisée par l’auteur dessinateur chinois Chaiko. Si le récit reprend la trame du Voyage vers l’Ouest – le long voyage vers l’Inde effectué par le moine Tripitaka à la recherche de textes sacrés du bouddhisme – il n’en est pas moins entièrement centré sur le personnage du singe. Un être qui combine de façon étonnante des traits a priori contradictoires. Sun Wukong est né de la roche, est de nature divine, possède l’immortalité et des pouvoirs magiques sans nombre. Mais simultanément, il est vantard, agressif, grossier, avide de pouvoir, incapable de se discipliner… Sa vanité sans bornes l’amène à défier les dieux envers qui il n’éprouve aucun respect.

Au fil des trois volumes déjà parus, on suit les grandes étapes de la vie du singe : sa naissance d’un rocher frappé par la foudre, son accession à la dignité de roi des singes, les défis qu’il lance aux dieux, qui cherchent désespérément comment le contrôler, la pagaille sans nom qu’il sème dans le Palais céleste, etc. Seul le bouddha lui-même réussit finalement à l’enfermer. C’est alors qu’apparaît dans le récit le moine Tripitaka, désigné ici sous son nom de Tang Sanzang, et sa mission vers l’Ouest. Sun Wukong est chargé d’accompagner et de protéger le moine. Durant leur périple, ils sont rejoints par d’autres compagnons et doivent affronter de multiples monstres, démons, brigands et mêmes des moines criminels… L’énergie et la vigilance du singe lui permettent de protéger le moine contre bien des dangers terrifiants mais son extrême violence finit par indisposer son maître qui le chasse. Mauvaise idée : en l’absence du Roi Singe et de ses pouvoirs magiques, Tang Sanzang n’est pas de taille à surmonter les obstacles sans nombre qui se dressent sur sa route !

Ces aventures épiques qui occupent déjà plus de 240 pages avec les trois tomes parus mêlent habilement combats spectaculaires, monstres terrifiants, magie et sortilèges. Mais les scènes cocasses abondent aussi du fait notamment de l’incapacité des disciples du moine à résister aux tentations. Le dessin virtuose de Chaiko se révèle aussi efficace dans les paysages que dans les scènes d’action. Et la gamme d’expressions de son singe – narquois, insolent, violent, dévoué, blessé – est un régal !

"Le Roi Singe" de Chaiko, couvertures des trois premiers tomes et une page

La deuxième version qui a commencé à être publiée, Les aventures du Roi Singe**, est assez différente. Ne mettant pas en scène, dans le premier tome du moins, le Voyage vers l’Ouest, elle se concentre sur diverses aventures de Sun Wukong, tout occupé à assurer le bonheur de son peuple. Destiné à de jeunes lecteurs (là où la première version s’adresse à un public adolescent ou adulte), l’album bénéficie d’un dessin plein de charme, à même de les séduire. La série est annoncée en trois volumes.

"Les aventures du Roi Singe", tome 1, couverture et page 9

Changement de registre et de pays avec L’arbre nu***. Ce roman graphique copieux est l’adaptation d’un roman très connu en Corée du Sud dû à la plume de Park Wan-Seo. Située à Séoul en pleine guerre de Corée, l’histoire confronte deux personnages attachants : une jeune fille qui vit seule avec sa mère, après la mort de ses deux frères tués dans un bombardement, et qui travaille comme vendeuse dans un magasin destiné aux soldats du corps expéditionnaire américain ; un peintre réfugié du nord du pays qui, en dépit de son grand talent, ne réussit à survivre qu’en peignant sur des foulards pour les GI’s des portraits de leurs petites amies. Un amour un peu désespéré se noue entre ces deux personnages à la dérive qui cherchent quelques repères et un peu de réconfort dans la tourmente. Car le contexte historique, fort bien rendu, est terrifiant. Dans cette guerre impitoyable où la population civile n’est pas épargnée, Séoul change de mains plusieurs fois entre les forces communistes du Nord et les forces du Sud alliées aux Américains et soutenues par l’ONU. Un album puissant, plein de finesse, qui aborde aussi des thèmes douloureux comme la préférence accordée aux fils par les parents coréens.

"L’arbre nu", couverture et page 185

La parution du huitième tome met un terme à la saga Rani****. Déjà chroniqué ici dans L’Asie dessinée, ce grand roman feuilleton « à l’ancienne » aura fait vibrer ses lecteurs depuis plusieurs années. Il y a de quoi : on ne saurait énumérer la succession sans fin de malheurs et d’épreuves qu’aura eu à traverser Jolanne, la fille illégitime du marquis de Valcourt, au milieu du XVIIIème siècle. Victime des machinations de son très très infâme demi-frère Philippe, la malheureuse jeune femme est dépossédée de son héritage, accusée faussement de meurtre et de trahison au profit de l’Angleterre, déportée aux Indes, quasiment décapitée, pourchassée par de multiples ennemis français ou indiens, presque brûlée vive en tant que veuve de son époux indien, etc. Heureusement, la belle à la séduction irrésistible a de la défense : elle devient successivement, entre autres, directrice de maison close, proche du gouverneur des comptoirs français des Indes, épouse de maharadja… Dans ce dernier volume, elle revient en France, récupère son héritage et épouse enfin son amour de toujours : un happy end comme il se devait.

Rani accumule évidemment les invraisemblances, mais c’est la loi du genre : cet hommage au roman-feuilleton joue avec tous les poncifs pour le plus grand plaisir du lecteur. Et l’Inde du XVIIIème siècle – et tout particulièrement les comptoirs français – revit sous le pinceau de Francis Vallès. Du grand spectacle !

"Rani", tome 8, couverture et page 34

Pour qui s’intéresse à la bande dessinée asiatique, et plus particulièrement aux mangas, la nouvelle série Trait pour trait***** est pleine d’enseignement. L’auteure japonaise Akiko Higashimura décrit dans cette BD autobiographique comment elle est devenue mangaka. Un parcours du combattant centré, dans ce premier tome sous-titré Dessine et tais-toi ! sur l’apprentissage du dessin classique auprès d’un professeur aussi excentrique que violent, impitoyable et… attachant. La jeune fille hyper motivée découvre à la dure les efforts invraisemblables qu’il est indispensable de consentir si l’on veut affronter le système éducatif incroyablement compétitif japonais. À suivre…

"Trait pour trait", tome 1, couverture et page 27

Les lecteurs de L’Asie dessinée l’auront remarqué : le Japon inspire de très nombreux « livres d’images » d’auteurs locaux ou étrangers désireux d’évoquer les multiples facettes de ce pays complexe. Dernier en date, le Français Florent Chavouet livre avec Touiller le miso****** des scènes de la vie quotidienne, objets usuels, petits paysages ou détails architecturaux. Le tout accompagné de haïkus de son cru. Pour les passionnés du pays.

"Touiller le miso", couverture et page 11

* Le Roi Singe, tome 1 Pagaille au palais céleste, tome 2 Le voyage en Occident, tome 3 La disgrâce de Wukong
Scénario et dessin Chaiko
80, 88 et 80 pages
Éditions Paquet
16,95 euros le volume

** Les aventures du Roi Singe, tome 1 Les Immortels
Scénario Stéphane Melchior, dessin Vincent Sorel
64 pages
Gallimard
12,50 euros

*** L’arbre nu
Scénario et dessin Keum Suk Gendry-Kim
328 pages
Les Arènes BD
24,90 euros

**** Rani, tome 8 Marquise
Scénario Jean Van Hamme et Alcante, dessin Francis Vallès
56 pages
Le Lombard
14,45 euros

***** Trait pour trait, tome 1 Dessine et tais-toi ! 
Scénario et dessin Akiko Higashimura
160 pages
Éditions Akata
7,95 euros

****** Touiller le miso
Scénario et dessin Florent Chavouet
192 pages
Éditions Picquier
20 euros

 

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