Accueil |
Articles |
Photos |
Profil |
Contact |
L'ASIE DESSINÉE
BD : le plein d’aventures pour l’été
Thèmes: L'Asie en BD |
Asialyst, 5 juillet 2023
Découvrez la sélection spécial été de
« L’Asie dessinée » consacrée aux BD
d’aventures : une brassée d’émotions fortes à déguster
pendant les vacances !
Patrick de Jacquelot
Une
bande dessinée peut être une œuvre de fiction, de
divertissement, et apprendre au lecteur plein de choses
sur le pays ou l’époque où elle se situe. C’est le cas
d’une formidable série dont la parution a commencé voici
cinq ans et qui s’achève aujourd’hui : China Li.
Déjà largement traitée dans « L’Asie
dessinée » (voir les critiques des tomes 1,
2
et 3), cette
fresque se conclut avec son tome 4, Hong Kong-Paris*.
Sur plus de 260 pages au total, ce sont les
bouleversements de la Chine au XXème siècle qui servent
de toile de fond aux aventures de deux personnages hors
du commun : l’honorable monsieur Zhang et sa fille Li.
Zhang est un eunuque qui a servi au palais impérial
avant de s’échapper pour bâtir un empire du crime dans
le Shanghai de l’entre-deux-guerres. Un homme
impitoyable, tout à sa volonté de puissance et de
revanche, qui n’a qu’une faiblesse : son amour pour Li,
sa fille adoptive. Celle-ci vient d’un milieu très
modeste. Perdue au jeu par son frère aînée, elle a été
livrée par ce dernier à Zhang qui en a fait une
domestique. Mais la petite fille avait un don pour le
dessin et le chef des triades, féru d’art, a entrepris
de lui donner une éducation. Avant, au bout du compte,
de l’adopter, en faisant « la fille de l’eunuque ».
Soucieux de lui donner la meilleure éducation possible,
Zhang lui fait apprendre le français et l’envoie à Paris
quand la situation politique se dégrade en Chine, avec
les affrontements entre les nationalistes de Chiang
Kaï-chek et les communistes de Mao sur fond de menaces
d’invasion japonaise. La jeune fille séjourne un moment
à Paris où elle découvre la vie bohème puis retourne en
Chine, en train de basculer dans la tourmente.
"Rani Lakshmi Bai, la séditieuse",
tome 1, Delcourt (Crédit : Delcourt)
|
Très approfondis, les personnages de Zhang et Li sont impressionnants, avec leurs côtés très noirs (la jeune femme finit par prendre la succession de son père adoptif à la tête de sa triade et ne s’y montre pas moins impitoyable que lui), contrepartie des effroyables épreuves qu’ils doivent affronter. À cet égard, il faut préciser que la série comporte des images extrêmement dures et que les albums ne sont donc pas à mettre entre toutes les mains. Ces aventures humaines sont portées par un contexte historique évidemment passionnant. Enfin, le dessin de Jean-François Charles, grand maître de l’aquarelle, séduit de bout en bout, que ce soit dans les scènes intimistes ou dans les grandes séquences de guerre. Une nouvelle œuvre magistrale d’un couple d’auteurs habitués de l’Asie, à qui l’on doit notamment la formidable série en dix volumes India Dreams (Casterman).
C’est loin d’être une nouveauté mais la réédition en une intégrale de la série Le Khan** donne l’occasion à de nouveaux lecteurs de découvrir cette fascinante biographie du célèbre Gengis Khan. Parus initialement dans les années 1990, les cinq albums sont ici regroupés en un fort volume bien relié qui permet de suivre de bout en bout la vie de l’un des plus célèbres – et terrifiants – conquérants de l’histoire de l’humanité.
Se déroulant à cheval sur les XIIème et XIIIème siècles, l’épopée du chef mongol est une suite ininterrompue de violences en tous genres. Témoudjin de son nom, le futur empereur de tous les Mongols est fils de chef. Sauf que sa mère ayant été captive d’ennemis au moment probable de sa conception, l’enfant est considéré comme bâtard, ce qui pèsera sur toute sa jeunesse. Pris dans les conflits incessants entre tribus rivales, Témoudjin passe même une partie de son adolescence prisonnier-esclave chez ses ennemis, portant une cangue en permanence.
De cette jeunesse pour le moins difficile, le futur Gengis Khan gardera toute sa vie le besoin d’écraser ses ennemis, quitte à aller en chercher de nouveaux une fois les plus proches asservis. Après la conquête de l’ensemble de la Mongolie, ce redoutable stratège s’attaquera à la Chine, à l’Asie centrale, à la Perse, certaines de ses armées allant jusqu’en Russie et en Bulgarie… Avec en général un seul mot d’ordre : massacre systématique des populations sauf éventuellement pour les femmes capturées, pillage et destruction complète des villes.
Cette épopée pleine de fureur est magnifiquement évoquée sur près de 240 pages. Le dessin réaliste d’André Houot fait revivre un monde dont nous ignorons le plus souvent à peu près tout : paysages sauvages, villes exotiques, costumes aussi variés que les peuples représentés. Ancrée dans la réalité historique, la bande dessinée est traitée comme un récit d’aventure : une saga captivante superbement illustrée.
Au-delà d’un scénario échevelé, la série offre de superbes images : batailles navales sur et sous la mer (Nemo n’est pas le seul à disposer d’un sous-marin…), paysages de l’Inde, etc. Un bon moment d’évasion.
Kim n’est pas le seul personnage de Kipling à se retrouver dans une bande dessinée ces mois-ci : c’est le cas également des deux héros de L’homme qui voulut être roi****. Cette célèbre nouvelle de l’écrivain britannique fait l’objet d’une très belle transposition en BD. On y retrouve les deux aventuriers britanniques qui rêvent de se bâtir un empire, pas moins, dans les régions perdues entre l’Afghanistan et le Pakistan. Leur culot est sans limite, leur courage aussi, d’autant plus qu’ils sont totalement inconscients de la réalité et des dangers. Le mieux est que leur folle entreprise réussit – provisoirement du moins. Les deux hommes pénètrent au Kafiristan, région coupée du monde où ils impressionnent tant les habitants que l’un d’entre eux se voit considéré comme d’essence divine. Ils règnent alors sur le pays, font la conquête des régions voisines, réalisent leur rêve, donc. Mais on ne s’improvise pas dieu sur terre et monarque absolu en un tournemain : l’aventure tourne rapidement à la catastrophe…
Cette histoire savoureuse, exotique à souhait, nourrie de références à la franc-maçonnerie, bénéficie d’une remarquable mise en images : paysages et architectures du nord de l’Inde et de l’Afghanistan revivent par la grâce d’un dessin classique et d’une harmonieuse mise en couleurs. Une pleine réussite.
Inde encore : dans le panthéon des
grandes figures de la lutte contre la colonisation
britannique dans ce pays, la reine Lakshmi Bai occupe
une place à part. Cette jeune femme devenue reine d’un
petit royaume du nord de l’Inde a joué un rôle de
premier plan dans la première grande révolte contre
l’Angleterre, la guerre des cipayes, en 1857. De quoi
en faire encore aujourd’hui une héroïne dans la
culture populaire, célébrée notamment dans les films
de Bollywood. Excellente idée, donc, de consacrer une
série de BD à sa vie. L’album Rani Lakshmi Bai, la
séditieuse***** qui vient de paraître dans la
collection « Les Reines de Sang » chez
Delcourt (où l’on retrouve des biographies de figures
historiques comme Catherine de Médicis ou Cléopâtre)
est un premier tome, qui ne va pas jusqu’à la guerre
des cipayes.
On y assiste à la jeunesse insouciante de cette jeune
fille issue d’une famille de brahmanes, présentée
comme dotée d’un caractère farouchement indépendant,
indomptable, parfaitement incontrôlable. Sa vie
bascule quand le maharaja du petit royaume de Jhansi,
dans l’actuel Uttar Pradesh, décide d’en faire son
épouse. À tâche pour elle de lui donner un héritier
mâle. À défaut, la Compagnie britannique des Indes
orientales pourrait prendre le contrôle du royaume à
la mort de l’actuel maharaja. L’album met
particulièrement l’accent sur les relations complexes
entre la jeune femme et les occupants anglais. À ces
derniers, elle reconnaît le mérite de construire des
routes et des écoles, ou d’essayer d’interdire la
terrible coutume du « sati » qui voit les
veuves se faire brûler vives sur le bûcher funéraire
de leur époux défunt. À l’inverse, elle ne tolère pas
l’ingérence des Britanniques dans la conduite des
affaires des royaumes indiens. Ingérence qui la frappe
directement : quand son mari le maharaja décède,
l’Angleterre s’empare de Jhansi et expulse Lakshmi
Bai. Une décision qu’elle n’accepte pas et qui la
conduira à sa révolte, qui sera racontée dans le ou
les tomes suivants.
Cette fiction historique met en scène de façon très
vivante une femme hors du commun, présentée comme
attachée plus que tout à sa liberté. Le récit est bien
mené avec des personnages secondaires intéressants,
comme le résident anglais sincèrement désireux
d’établir de bonnes relations avec les Indiens,
contrairement à la plupart de ses compatriotes. Le
dessin réaliste évoque à merveille les splendeurs des
palais et des paysages indiens, la variété des
costumes et des uniformes, les fêtes et la vie
quotidienne. On attend la suite.
Pas de fiction pour le dernier volume de
cette sélection d’été mais une aventure vraie
complètement folle, digne de l’imagination des
romanciers les plus déjantés : Un tournage en
enfer, au coeur d’Apocalypse Now****** raconte
le tournage aux Philippines du chef-d’œuvre de Francis
Ford Coppola. Porté par le fabuleux succès de ses deux
premiers Parrain, le cinéaste élabore un
projet démesuré : s’attaquer dès 1975, l’année de la
chute de Saigon, au tournage d’un film monumental sur
la guerre du Vietnam. Un budget illimité, qui manquera
de peu de ruiner Coppola et ses producteurs, des stars
exceptionnelles dont Marlon Brando, des scènes d’une
ambition folle avec flottilles d’hélicoptères,
d’innombrables figurants, tout cela pèse sur le
réalisateur, qui n’est pas loin de craquer. Écrasé par
ses responsabilités, quelque peu paranoïaque, Coppola
tient le projet à bout de bras – avec le triomphe
final que l’on sait.
Ce passionnant roman graphique reconstitue
l’atmosphère de folie qui régnait sur les scènes de
tournage dans la jungle des Philippines et multiplie
les anecdotes surréalistes : comment, par exemple, les
hélicoptère loués à prix d’or à l’armée philippine
étaient peints le matin aux couleurs américaines puis
repeints l’après-midi à celles du pays pour aller
pourchasser des rebelles bien réels… Un livre qui aide
à mieux comprendre la genèse d’Apocalypse Now
et ne peut qu’inciter à le revoir une fois de plus !
ET AUSSI
Partir en voyage touristique à Tokyo
avec des enfants ? Heu… Il y a de quoi faire hésiter
même les parents les plus aguerris. Le copieux guide En
famille à Tokyo******* ambitionne de montrer que
l’aventure peut être tentée ! De multiples conseils
pratiques, des adresses de restaurants, des
suggestions d’activités, accompagnés de nombreuses
cartes quartier par quartier : l’auteure, une
Française qui habite Tokyo depuis 2009, livre de
nombreux conseils pour un séjour réussi. Et elle
agrémente le volume de jolies illustrations à toutes
les pages, histoire de donner envie de se lancer !
* China Li, tome 4, Hong
Kong-Paris
Scénario Maryse Charles, dessin Jean-François Charles
64 pages
Casterman
14,95 euros
** Le Khan
Scénario Georges Ramaïoli, dessin André Houot
240 pages
Mosquito
39,50 euros
*** Nautilus, tome
3, L’héritage du capitaine Nemo
Scénario Mathieu Mariolle, dessin Guénaël Grabowski
56 pages
Glénat
14,95 euros
**** L’homme qui voulut être roi,
Scénario Jean-Christophe Derrien, dessin Rémi
Torregrossa
72 pages
Glénat
16,50 euros
***** Rani Lakshmi Bai, la
séditieuse, tome 1
Scénario Simona Mogavino et Arnaud Delalande, dessin
Carlos Gomez
64 pages
Delcourt
15,95 euros
****** Un tournage en enfer, au cœur
d’Apocalypse Now
Scénario et dessin Florent Silloray
160 pages
Casterman
24 euros
******* En famille à Tokyo
Texte et dessin Julie Blanchin Fujita
240 pages
Kana
14,90 euros
Accueil |
Articles |
Photos |
Profil |
Contact |