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L'ASIE DESSINÉE
BD : enfance, douceur et amertume au Japon et
en Chine
Thèmes: L'Asie en BD |
Asialyst, 17 septembre 2022
Les bons sentiments peuvent faire les bonnes
bandes dessinées : la preuve avec des histoires
subtiles et émouvantes d’orpheline à Tokyo et
d’adolescents à Pékin.
Patrick de Jacquelot
En
contraste avec la grande actualité, c’est une rentrée
toute en douceur que vous propose « L’Asie
dessinée » en ce mois de septembre. Avec plusieurs
albums qui démontrent que, contrairement à l’idée reçue,
on peut faire de bonnes histoires avec de bons
sentiments, sans l’ombre d’un « méchant » !
Exemple éclatant avec Le printemps de Sakura*,
portrait tout en finesse d’une petite fille âgée de huit
ans qui a perdu sa mère trois ans plus tôt. Sakura est
la fille d’un couple franco-japonais. Sa mère,
japonaise, a disparu dans un accident de la circulation,
et Sakura vit seule à Tokyo avec son père français, où
celui-ci a son travail. Un père aimant mais très pris
par sa vie professionnelle. La petite fille, que l’on
devine d’un tempérament solitaire, doit composer avec la
disparition de sa mère « dont papa ne parle
jamais » et aussi un sentiment de
déracinement culturel. Vivant dans des milieux
d’expatriés, fréquentant une école internationale,
passant toutes ses vacances à Lyon chez ses
grands-parents français, Sakura ne se sent pas du tout
japonaise.
Extrait de "Un dernier soir à
Pékin", scénario et dessin Golo Zhao,
Glénat (Copyright : Glénat)
|
Et puis l’intimité qui s’installe avec sa grand-mère lui permet enfin de parler de sa mère disparue et de découvrir celle-ci à travers les récits de son enfance. Ces quelques semaines d’un printemps lumineux auront permis à Sakura de surmonter le traumatisme qui l’affecte depuis des années, de découvrir qu’elle peut à la fois parler le japonais et parler de sa mère, et d’adopter la culture qu’elle rejetait jusque-là.
Cette belle histoire est racontée avec une grande sensibilité par Marie Jaffredo. Il y a trois ans de cela, l’artiste nous avait déjà donné une belle bande dessinée, Yuan, journal d’une adoption, racontant l’histoire d’un couple belge adoptant un bébé au fin fond de la Chine des années 1990. Avec Le printemps de Sakura, c’est une œuvre encore bien plus aboutie qu’elle nous propose. Présenté avec une très grande finesse, ce portrait de fillette blessée est infiniment émouvant. Réalisée à l’aquarelle, la mise en images nous fait partager la découverte par Sakura de ce monde nouveau pour elle, avec de nombreuses cases muettes mettant en valeur des détails des décors et des objets de la vie quotidienne. Un album aussi prenant par son histoire que séduisant par son graphisme.
"Le printemps de Sakura", couverture et une page |
Les protagonistes de Un dernier soir à Pékin** n’ont pas l’âge de la petite Sakura : il s’agit cette fois d’un couple de jeunes adultes. Mais lors d’une soirée à Pékin, ils évoquent des scènes qui ont marqué leur enfance et leur adolescence dans un registre, là aussi, doux-amer. Ce roman graphique est l’œuvre de l’artiste chinois Golo Zhao que les lecteurs de « L’Asie dessinée » connaissent bien. On lui doit des œuvres variées : une charmante série pour enfants, La balade de Yaya, un terrible fait divers, Poisons, et un beau roman graphique centré sur quelques adolescents, La plus belle couleur du monde. C’est à ce dernier registre qu’appartient son nouvel ouvrage. On y suit un jeune couple le long d’une soirée à Pékin. Lui raconte plusieurs histoires qui ont marqué son enfance : celle du patron d’un petit salon de thé miteux qui l’a tiré d’affaire, sans qu’il s’en doute, alors qu’il était accusé à tort d’un vol dans son lycée ; celle d’un camarade de classe prêt à subir moqueries et humiliations pour désamorcer tous les conflits autour de lui ; celle d’un ami avec qui ils avaient dérobé de la nourriture et les crises de conscience qui en avaient résulté… Quand c’est au tour de sa petite amie de parler, c’est pour livrer une confession : décrivant la misère noire dans laquelle vit sa famille à la campagne, elle lui avoue qu’elle ne pourra finalement pas retourner avec lui en province. Il lui faut rester « trimer » à Pékin pour sortir sa famille de la pauvreté.
À lire : le « Best of » de l’Asie dessinée, les vingt-cinq meilleures BD chroniquées depuis 2016
Autant de petites tranches de vie à la tonalité toujours ambiguë, qui mêlent nostalgie, tendresse, regrets et… gastronomie ! Car chaque anecdote est reliée au souvenir d’un plat particulier, riz sauté, poulet grillé, soupe de bœuf… Golo Zhao déploie une fois de plus toute sa virtuosité graphique avec son dessin plein de charme et ses couleurs toute douces. Une nouvelle réussite de ce grand dessinateur chinois.
"Un dernier soir à Pékin", couverture et une page |
"Blissful Land",
tomes 3 et 4 |
Changement de registre avec une biographie historique. Matteo Ricci – Dans la Cité interdite**** évoque la vie d’un personnage hors du commun : ce célèbre jésuite qui, au tout début du XVIIème siècle, s’installa à Pékin avec l’ambition d’y rencontrer l’empereur afin de le convertir au christianisme. L’album se concentre sur les interminables démarches tentées par Matteo Ricci : contacts avec les eunuques et les officiels entourant le Fils du Ciel, distribution de cadeaux venus d’Occident… Accéder à l’empereur est impossible sans le soutien de ses proches mais ces derniers rivalisent entre eux pour démontrer leur influence. Intrigues de palais, coups de force violents, rivalité aussi avec d’autres étrangers attendant parfois depuis des mois ou des années l’audience qu’ils ont sollicitée : rien n’est épargné au jésuite… qui ne rencontrera jamais l’empereur en personne. Tout juste une audience au sein de la Cité interdite, la première jamais accordée à un Occidental, permettra-t-elle au Fils du Ciel de regarder en cachette cet étrange personnage venu de si loin. Tout cela n’empêchera pas Matteo Ricci de vivre des années à Pékin, d’étudier la civilisation chinoise et de convertir au christianisme quelques milliers de Chinois.
Ce portrait touche parfois à
l’hagiographie, tant Ricci est décrit comme un être
hors du commun, aussi savant que curieux de tout,
aussi courageux que rusé, aussi dévoué à son dieu que
tolérant envers les autres fois. La BD est d’ailleurs
publiée avec « le soutien des Éditions
Jésuites ». Mais le très grand professionnalisme
du scénariste chevronné Jean Dufaux servi par le
dessin classique et élégant de Martin Jamar, fait de
l’album un véritable récit d’aventure qui nous plonge
dans la cour impériale chinoise du XVIIème siècle.
"Matteo Ricci – Dans la Cité interdite", couverture et une page |
La collection Les grands noms de
l’Histoire en manga livre un volume consacré à Gandhi*****.
Très didactique et bien documenté, ce petit livre
donne un bon aperçu de la biographie du Mahatma, de sa
petite enfance jusqu’à son assassinat en passant par
ses études en Angleterre, ses années en Afrique du sud
et, bien sûr, son combat pour l’indépendance de
l’Inde. On peut évidemment sourire devant des phrases
comme « Bien qu’espiègle, Gandhi était un
garçon très gentil », mais l’ensemble est
de bonne tenue. Le livre comprend une vingtaine de
pages documentaires avec notices historiques, cartes
et chronologie.
"Gandhi", couverture |
* Le printemps de Sakura
Scénario et dessin Marie Jaffredo
112 pages
Vent d’Ouest
19 euros
** Un dernier soir à
Pékin
Scénario et dessin Golo Zhao
256 pages
Glénat
22,50 euros
*** Blissful Land, tomes 3 et
4
Scénario et dessin Ichimon Izumi
160 pages le volume
Nobi Nobi7,20 euros le volume
**** Matteo Ricci – Dans la Cité
interdite
Scénario Jean Dufaux, dessin Martin Jamar
56 pages
Dargaud
16 euros
***** Gandhi
Scénario Tamotsu Mizukoshi, dessin Mamoru
Takahashi
144 pages
Nobi Nobi
7,90 euros
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