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L'ASIE DESSINÉE
BD : guerre de libération du Vietnam, l’envers
du décor
Thèmes: L'Asie en BD |
Asialyst, 10 décembre 2022
Un épais roman graphique livre une plongée
fascinante dans le processus d’endoctrinement des
recrues de l’armée révolutionnaire de Hô Chi Minh dans
les années 1950. Et une sélection de beaux livres à
offrir pour les fêtes.
Patrick de Jacquelot
La
guerre d’Indochine menée par le Viet-Minh contre les
colonisateurs français, puis la guerre entre les deux
Vietnam du Nord et du Sud, on a l’habitude de les voir
traitées vues depuis le Sud, qu’il s’agisse de
chroniquer la déroute de l’armée française ou, plus
tard, celle de l’armée américaine. Il est beaucoup plus
rare d’observer ces événements depuis l’intérieur du
camp communiste : c’est précisément ce que fait avec
maestria le gros roman graphique 40 hommes et 12
fusils*.
Détail de la couverture de "40
hommes et 12 fusils", scénario et
dessin Marcelino Truong
(Crédit : Denoël Graphic) |
Le contraste avec sa vie d’avant est pour le moins violent. Le voici envoyé en territoire chinois pour recevoir la formation militaire dispensée par d’impitoyables instructeurs maoïstes. En sa qualité de peintre, Minh est affecté à une unité de propagande : quarante hommes et femmes artistes de toutes les disciplines, écrivains, poètes, dessinateurs, comédiens, musiciens, chargés de propager la bonne parole dans les campagnes. Pour les protéger et les encadrer, douze soldats en armes les accompagnent – d’où le titre du volume 40 hommes et 12 fusils. Le travail est rude et dangereux : un trait de travers, une pointe d’humour peuvent passer aux yeux des omniprésents commissaires politiques pour un acte de sabotage contre-révolutionnaire avec les conséquences immédiates et définitives qui en résulteraient… Le danger est d’autant plus grand pour Minh que celui-ci, même s’il cherche avant tout à survivre, ne peut empêcher son esprit frondeur et indiscipliné de se manifester de temps à autre. Heureusement pour lui, son grand talent artistique et son habileté aux armes en font un collaborateur précieux.
Au gré des pérégrinations de son équipe, Minh se trouve à participer au siège de Diên Biên Phu, dont la prise par les troupes de Hô Chi Minh signera la défaite finale de la France au Vietnam. Une blessure sérieuse met un terme à son effort de guerre. Ce qui lui permet, une fois l’armistice arrivée, de partir au Sud-Vietnam retrouver sa famille et sa fiancée.
À lire : le « Best of » de l’Asie dessinée, les vingt-cinq meilleures BD chroniquées depuis 2016
Cette plongée à l’intérieur des forces révolutionnaires de Hô Chi Minh se révèle fascinante. Le jeune Minh décrit par le menu l’endoctrinement permanent, la langue de bois systématique, l’inculcation de la haine à haute dose, les mensonges de la propagande qu’il lui faut colporter, la discipline impitoyable… Rétif à tout embrigadement, il est horrifié par l’absence totale de liberté de penser et de s’exprimer qui prévaut dans le camp communiste. Et il ne partage pas un seul instant l’optimisme de certains de ses collègues artistes qui sont persuadés que ces contraintes sont justifiées par l’effort de guerre et disparaîtront dès la fin du conflit. Le puritanisme fanatique imposé à tous les combattants de la Révolution lui pèse particulièrement : des silhouettes féminines trouvées dans son carnet de dessins manquent de peu de lui valoir les pires ennuis. La peur est constante mais une vraie solidarité entre compagnons d’armes se développe également.
Tout au long des presque trois cents pages du volume, de multiples personnages font leur apparition : paysans frustes qui ne savent pas trop pourquoi ils sont là, militants convaincus, et différents soldats ou accompagnateurs et accompagnatrices qui cherchent avant tout à survivre. Un Français rallié à la Révolution et responsable de la propagande est spécialement intéressant : comme il lui faut constamment faire oublier son appartenance à la nation des colonisateurs, il se montre bien sûr plus intransigeant que tous les autres cadres.
Haletant, le récit est nourri d’innombrables détails qui font que l’on se demande en permanence s’il ne s’agit pas d’une authentique biographie. Le dessin, superbe, alterne entre pages en bichromie et pleines pages, voire doubles pages, en couleurs. L’ensemble est une réussite complète – qui ne plaira évidemment pas aux nostalgiques de la belle révolution communiste vietnamienne, s’il en existe encore.
Sur un thème similaire, on peut lire Vann Nath, le peintre des Khmers rouges : l’histoire d’un prisonnier des Khmers rouges qui n’a survécu aux camps de la mort que grâce à ses talents de peintre.
Restons au Vietnam tout en changeant de registre : La cuisine vietnamienne illustrée** offre non seulement une large gamme de recettes mais aussi une véritable petite encyclopédie culturelle sur la gastronomie du pays. Intégralement illustré par les dessins plein de charme de Mélody Ung, le livre est structuré en courts chapitres qui traitent de sujets variés : les grands principes de l’alimentation vietnamienne, l’organisation des repas, les types de restauration, les caractéristiques des cuisines régionales… La composition des repas en fonction des événements et fêtes est également abordée. Une trentaine de recettes permettent enfin de passer de la théorie à la pratique. Un joli volume à offrir pour les fêtes aux amoureux du Vietnam, de la gastronomie ou, mieux encore, des deux !
Pour les enfants : Les aventures du Roi Singe, un grand classique de la littérature chinoise (deux tomes parus).
Pour les adolescents : Le clan des Otori, une passionnante saga japonaise (trois tomes parus).
Pour les adolescents et leurs parents : Le printemps de Sakura, l’émouvante histoire d’une petite fille entre cultures française et japonaise ; Peleliu, la folle histoire de soldats japonais encore en guerre longtemps après 1945 (11 tomes) ; et Pierre rouge plume noire, superbe fantaisie dans une Chine médiévale mythique.
* 40 hommes et 12 fusils
Scénario et dessin Marcelino Truong
296 pages
Denoël Graphic
28,90 euros
** La cuisine
vietnamienne illustrée
Texte Nathalie Nguyen, dessin Mélody Ung
128 pages
Mango Editions
13,95 euros
*** Quartier lointain
Scénario et dessin Jirô Taniguchi
410 pages
Casterman
24 euros
**** Jonathan, Intégrale, tome
7
Scénario et dessin Cosey
104 pages
Le Lombard
21,50 euros
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